L’Acupuncture
L’Acupuncture, c’est-à-dire l’usage à but thérapeutique de fines aiguilles posées sur des points stratégiques, fait partie du corpus de connaissances désigné sous le terme de Médecine chinoise. Elle en constitue la branche la plus originale et la plus « pointue » si l’on ose dire.
La Médecine chinoise, qui date de plus de 3000 ans, s’est développée en infusant dans son élaboration les grands courants de pensée qui lui étaient contemporains : Taoïsme, Confucianisme et Bouddhisme.
Ces courants de pensée ont en commun une vision unitive du cosmos et du monde vivant. L’origine est Une, le monde est Un et l’être humain est une partie infime d’un monde dont il n’est pas séparé, avec lequel il fait Un, à travers un nombre incalculable d’inter-dépendances.
Cette conception diffère de la vision occidentale scientifique moderne acquise fondée sur la dualité. En Occident la démarche scientifique a posé l’homme comme extérieur au monde : il regarde et analyse autour de lui un monde dont il se croit séparé et qu’il pense avoir le devoir de dominer sans toujours respecter l’harmonie de la relation avec l’environnement.
Ni la pensée chinoise ni la Médecine chinoise relèvent d’un quelconque mysticisme. Là, le monde matériel et le monde spirituel ne se conçoivent pas séparés. Le monde spirituel est une émanation du matériel et le monde matériel est une concrétisation du monde spirituel. Séparer le spirituel du matériel contredit les fondements de la Médecine chinoise : le concept de Tao, de Qi, le Yin/Yang et les Cinq Mouvements.
La médecine chinoise a prouvé son efficacité dans la prévention des maladies – particulièrement par la diététique et le travail des souffles – Qi Kong et Tai Qi. Elle permet de soutenir l’équilibre en place et de prévenir le déséquilibre.
Ainsi que dans son aspect curatif, - acupuncture et plantes - Elle cherche la cause de la pathologie et intervient sur le symptôme. Le but est de favoriser un retour à l’équilibre et à une harmonie tant externe qu’interne.
Acupuncture traditionnelle ou Acupuncture symptomatique
Dans le Nei Jing, « Bible » des acupuncteurs, on trouve une distinction entre le « petit ouvrier » et le « grand ouvrier ». Ce qui équivaut aux définitions de l’Acupuncture symptomatique et de l’Acupuncture traditionnelle.
Attention, « petit » et « grand » qualifient des méthodes différentes mais n’établissent pas un jugement de valeur. Le président Mao Tse Toung avait souhaité la création de médecins formés rapidement pour soulager les régions agricoles lointaines où ne pouvaient se rendre les médecins des grandes villes. C’est ce que l’on a appelé « Les médecins aux pieds nus ». Les « médecins aux pieds nus » qui étaient munis d’une connaissance d’Acupuncture symptomatique élémentaire, donc « petits ouvriers », ont sauvé nombre de vies humaines.
Quelle est la différence ?
Comme la désignation l’indique, l’Acupuncture symptomatique concentre son action sur le symptôme que présente le patient et utilise des répertoires de symptômes pour appliquer le traitement. Ce qui est loin d’être inefficace dans un grand nombre de cas.
D’ailleurs l’OMS a établi une liste des symptômes traités avec succès par l’Acupuncture :
- Douleurs chroniques: migraines, maux de tête, douleurs du dos et de la nuque, sciatique, syndrome du canal carpien, douleurs rhumatismales.
- Appareil digestif: côlon irritable, colites, gastrites, constipation, ballonnements
Appareil uro-génital : douleurs menstruelles, cycles menstruels irréguliers, problèmes de fertilité, symptômes de la ménopause.
- Dermatologie : urticaires, zonas
- Déséquilibre émotionnel et psychologique: dépression légère, anxiété, stress et insomnies.
Pour traiter ces pathologies, il existe des ouvrages où sont indiquées des listes de points pour traiter tel ou tel symptôme. C’est ce que l’on appelle Acupuncture symptomatique.
Anecdote :
J’ai récemment rencontré un médecin tibétain très sympathique. Auréolé de ce titre de médecin tibétain, je lui accordai tout de suite une confiance totale, persuadée qu’il en savait plus que moi et qu’il me fallait illico me mettre à son écoute.
Souffrant d’une douleur à la hanche, je lui ai demandé de bien vouloir me soigner. 1 séance, 2, 3… aucun résultat. Alors que depuis plus de 40 ans j’ai fait l’expérience de l’efficacité de l’acupuncture pour quasi tous les problèmes que j’ai rencontrés, et ayant personnellement traité un grand nombre de douleurs de hanche, je me suis demandé pourquoi cette fois, il n’y avait pas de résultat ?
J’avais noté que ce thérapeute ne prenait pas les pouls, ne faisait pas de palpation, qu’il ne posait pas de question sur le passé pathologique, qu’il interrogeait uniquement sur la douleur et concluait à un stress propre aux occidentaux.
Tout à coup je compris : il pratiquait une acupuncture symptomatique, celle qu’il avait apprise au Tibet et en Chine. Je ne critique pas cette méthode qui peut être efficace et ne lui en ai pas voulu mais j’ai remarqué la différence et ai dû faire appel à un autre thérapeute pour être libérée de cette douleur.
L’Acupuncture traditionnelle
L’Acupuncture traditionnelle se fonde sur une vision globale, considère le patient dans sa totalité, son unicité et cherche la cause du déséquilibre qui a permis l’apparition du symptôme.
Pour traiter les mêmes pathologies, l’acupuncteur traditionnel procède à un diagnostic spécifique à la Médecine chinoise qui comprend : observation attentive du teint, de l’œil, de la peau, de la posture, de la marche, écoute des sons, palpation de l’ensemble de l’organisme et palpation des pouls : en haut de corps, en bas du corps, au milieu du corps et les pouls radiaux au niveau des poignets, puis l’interrogatoire. Les indications recueillies sont enregistrées et classées et vont déterminer le choix des points.
Pour l’acupuncteur traditionnel l’acte de poser une seule aiguille l’engage dans sa totalité et sollicite le rassemblement de son savoir et de sa quête continue de perfectionner ce savoir.
L’acte de poser une aiguille est relié à un ensemble où entrent en jeu : l’instant, l’instant pour la personne traitée, la situation géographique, la situation historique, la saison, la température, l’heure, l’interaction consciente et inconsciente avec le praticien… de nombreux éléments que l’on ne peut isoler, que l’on ne peut décrire exhaustivement et qui ont un rôle pour accompagner l’efficacité du point et sa synchronisation avec les autres points. Le praticien se doit d’être en position d’accueil conscient et inconscient de tous ces éléments.
Un traitement bien mené pourrait être comparé à un mantra sonore et visuel. Le choix des points qui vont entrer en synchronisation répond à des règles d’harmonique. Il n’est pas recommandé de choisir des points au hasard ou en fonction de la seule indication symptomatique. Chaque méridien a sa tonalité et ils se répondent entre eux.
On peut créer une véritable cacophonie dans un organisme par un choix de points qui ne se répondent pas harmoniquement.
Notre professeur d’acupuncture nous avait donné ce conseil : «Regardez, regardez attentivement la figure géométrique que forment les points choisis pour le traitement que vous opérez, ce doit être beau »
Le rôle idéal du praticien, dans cette démarche traditionnelle, est de permettre à une unité de ton de se réinstaller dans l’organisme soigné. Ces souffles renoués dans leur unité circulent alors sans entraves. L’état de santé est relancé et les symptômes disparaissent peu à peu.
Quelle est la spécificité de l’Acupuncture traditionnelle ?
Elle appartient à un mode de connaissance transmis. Tradere qui donne le mot tradition, signifie transmettre. Il n’y a pas de nouveauté. Quand on étudie pour devenir acupuncteur, on apprend l’existence et l’usage de Lois établies à l’époque de la rédaction des ouvrages de référence, entre autres le Nei Jing, dite « Bible » des acupuncteurs.
Le sinologue Claude Larre écrit, au sujet des lois qui régissent la Médecine chinoise : « comme si avait été atteint lors de sa conception un savoir authentique, une compréhension ultime, ordonnée et globale de la vie universelle. »
Les Lois demeurent telles qu’elles ont été établies à l’origine et chaque praticien devra les expérimenter pour pouvoir en faire des outils thérapeutiques.
L’étude de l’Acupuncture
L’étude de l’Acupuncture traditionnelle est exigeante. Elle demande :
- Un travail d’imprégnation d’un mode de penser et de voir différent de celui que l’on a appris. Familiarisation avec les notions de Dao, de Yin/Yang, de Vide et Plein, des Cinq Mouvements. La lecture des textes classiques, leurs commentaires et l’étude des bases de l’écriture chinoise sont hautement recommandés.
- Un grand travail de mémorisation du corpus de la Médecine chinoise. Etude de la physiologie. Systèmes méridiens et points. Pathologie. La méthode « par cœur » est privilégiée.
- Un entraînement pratique de cas cliniques
- Une pratique personnelle de Qi Kong ou de Dai Qi
- Une curiosité inlassable et un entraînement au travail de l’esprit.
L’acupuncture n’est pas une « épice » : on entend certains thérapeutes, qui pratiquent d’autres méthodes que la médecine chinoise, demander à leur patient « Voulez-vous que je vous fasse un peu d’acupuncture ? » Quel peut être le sens d’une telle proposition ? « Un peu d’acupuncture » cela n’existe pas ou ne devrait pas exister.
L’Acupuncture n’est pas une technique à effets magiques
Elle est le prolongement, dans un acte thérapeutique, de l’ensemble de la philosophie universelle du Vide et du Plein, du Yin/Yang et des Cinq sphères d’énergie en mouvements qui ont pour noms symboliques Bois, Feu, Terre, Métal, Eau.
L’usage des aiguilles obéit à une technique très précise et son champ d’application et d’efficacité est très vaste.
Les effets de l’Acupuncture
. Si l’Acupuncture est une médecine totale, elle n’est pas une médecine miracle. Les résultats d’une séance d’Acupuncture dépendent de nombreux critères et principalement :
- De la capacité du praticien.
- Du passé pathologique du patient.
- Du type d’affection : si l’affection est chronique, profonde, ancienne, le traitement sera plus long.
- Dans le cas de déséquilibres qui ont atteint un point de non-retour : maladies graves, affaiblissements extrêmes, l’acupuncture n’est pas appropriée.
- De la conscience du patient : si elle est ouverte à l’idée qu’il a une part de responsabilité dans son état et qu’il peut transformer et améliorer lui-même son hygiène de vie physique et psychique, les résultats seront satisfaisants.
Un acupuncteur traditionnel choisit de traiter symptomatiquement quand le symptôme le demande. Ce traitement se fait au centre d’un rééquilibrage du terrain.
Un acupuncteur formé à la symptomatique traitera le symptôme mais sans traiter la cause du symptôme ni le terrain. Souvent, pour obtenir un effet durable, il faut traiter et le terrain et le symptôme.
Par expérience, nous pouvons dire que toute séance d’Acupuncture entraîne un changement, parfois infime en première séance mais il y a changement.
Si le patient ne « répond » pas du tout, il y a lieu de demander examens et investigations en médecine officielle.
Si, au bout de trois séances, il n’y a pas eu d’amélioration, il est probable que l’acupuncture n’est pas la méthode adéquate pour ce patient.
Savoir traditionnel et science contemporaine
Notre Professeur André Faubert nous avait dit, il y a plus de quarante ans : « Vous observerez certainement que la science ne vient jamais infirmer la tradition mais toujours la confirme ».
Aujourd’hui l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan dans son livre La Plénitude du Vide
Ed. Albin Michel 2016 – relève clairement que les traditions orientales ont eu des intuitions que les recherches scientifiques actuelles confirment. Il se fait l’apôtre d’une « harmonieuse complémentarité » entre la science et la Tradition.
Ces deux modes de connaissance existent et enrichissent chacun selon leur nature, la pensée et la santé humaines.
Claire Sachsé Fontaine
Acupuncteur traditionnel -1976-
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